En amont de la 21e Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21) qui se déroulera en décembre 2015 à Paris, la Région Paca accueille les 4 et 5 juin prochains un forum méditerranéen sur ce thème, la MEDCOP21, à la Villa Méditerranée. Le président de l’Institut de la recherche pour le développement (IRD) Jean-Paul Moatti appelle les pays du pourtour méditerranéen, une zone sensible au réchauffement, à « peser » lors des négociations sur le climat en fin d’année à Paris.
Quelle est la spécificité de la région Méditerranée face au réchauffement climatique ?
Jean-Paul Moatti : Le réchauffement climatique est une réalité, et pour des raisons assez faciles à comprendre – c’est une mer quasi fermée – la région Méditerranée est clairement une des zones de la planète – si ce n’est la zone de la planète – la plus sensible aux conséquences possibles du changement climatique, si on ne réagit pas. C’est ce qu’on appelle un « hotspot »: l’augmentation de la température prévue est plutôt supérieure à la moyenne à laquelle on s’attend globalement sur la planète. On a une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes, aussi bien les pluies torrentielles que les sécheresses. Tout ça a des conséquences en chaîne sur la dégradation des sols et sur toute une série de problèmes. C’est également l’une des principales réserves de biodiversité de la planète et les phénomènes liés au réchauffement mettent en cause cette biodiversité. Une publication récente de l’IRD et de l’université de Palerme dans Nature montre par exemple que par le passé, un certain nombre d’organismes marins comme les mollusques se sont adaptés au réchauffement par une réduction de leur taille, c’est ce qu’on appelle l' »effet lilliput ». On risque d’être confronté à des phénomènes de ce genre de façon encore plus systématique.
Le réchauffement climatique est-il seul responsable des problèmes environnementaux du bassin méditerranéen ?
J-PM : Non, ce qui fait la vulnérabilité de la Méditerranée, ce n’est pas seulement le changement climatique, c’est la synergie éventuellement mauvaise qui peut se produire entre le changement climatique et d’autres actions liées à l’activité humaine. Avec ou sans changement climatique, on concentre par exemple autour de la Méditerranée 60% de la population mondiale dite pauvre en eau. On a 80 millions de personnes en situation de pénurie. Si on n’y prend pas garde, à l’horizon 2050, on atteindra 280 millions. Il est parfois difficile de distinguer ce qui est directement ou indirectement attribuable au réchauffement climatique. Il y a parfois une telle synergie avec d’autres paramètres que cette causalité n’est pas forcément facile à démontrer. Il ne faut pas raconter n’importe quoi au risque d’apporter de l’eau au moulin des climato-sceptiques. Mieux connaître la part respective des différentes causes, et y compris celles qui sont directement attribuables au changement climatique, c’est important et ça peut aider à trouver des solutions.
Qu’espérez-vous voir ressortir de ce forum méditerranéen ?
J-PM : J’attends d’abord que l’ensemble des pays de la zone, même s’ils ne sont pas de gros émetteurs de gaz à effet de serre, fassent peser leurs préoccupations lors de la négociation de Paris. J’aimerais également la création d’un GIEC Méditerranée (Groupe d’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat, ndlr), pas forcément autour du seul changement climatique, un lieu de concertation systématique entre ce que la science construit et les décideurs pour les aider à mieux formuler leurs objectifs de développement et leurs solutions. J’espère également des initiatives de mises en réseau, et éventuellement un soutien des décideurs y compris en termes de financement, par exemple pour mettre place un réseau des observatoires du changement climatique et du changement environnemental, ainsi qu’un certain nombre d’autres réseaux qui permettraient de faire avancer la connaissance et l’action dans ces domaines. La zone méditerranéenne est un lieu privilégié pour tenter de mieux comprendre les interactions, par exemple entre l’atmosphère et la surface de l’océan. Le GIEC le reconnaît: c’est à ce niveau-là, régional et infra-régional, qu’on a le plus de difficultés aujourd’hui au plan scientifique. Au niveau global, on a des modèles robustes qui convergent et sur des zones très circonscrites, là aussi, on a des prédictions fiables. C’est au niveau régional et sous-régional que les modèles sont les plus imprécis et incertains.
Thibault LE GRAND pour AFP
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