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A Boulogne, les pêcheurs testent dans l’inquiétude le « zéro rejet »

par AFP
17.06.15

Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, teste les effets d’une nouvelle règle européenne qui interdit aux pêcheurs de rejeter les poissons trop petits en mer, et tente de tirer parti de cette matière première encombrante. En toile de fond, la politique du « zéro rejet », qui interdit aux pêcheurs de remettre à la mer les poissons inférieurs à la taille commercialisable, ou d’une espèce différente de celle recherchée par le bateau. L’objectif est d’éviter le gaspillage, en incitant les pêcheurs à améliorer la sélectivité de leurs filets pour ne pas capturer de poissons inutiles. La règlementation, prise dans le cadre de la nouvelle Politique commune des pêches (PCP), est entrée en vigueur le 1er janvier pour les poissons pélagiques (thon, sardines, anchois…), et doit être étendue aux démersaux en 2016 (sole, turbot, merlu…), malgré des modalités encore floues. La mesure suscite l’inquiétude des pêcheurs: comment trier et stocker ces poissons à bord ? Et comment gagner de l’argent avec ? D’autant que la Commission européenne interdit que les poissons autrefois rejetés en mer soient vendus pour l’alimentation humaine, afin de ne pas créer de marché parallèle.

Une expérimentation pilote, le programme EODE, est donc financée par la France à Boulogne pendant 18 mois. D’autres études doivent être menées au Pays-Bas et au Royaume-Uni. Deux chalutiers du port, le Marmouset et le Saint-Philippe, ramènent toutes leurs prises à terre, lors d’un tiers de leurs sorties en mer. Le tri du poisson supplémentaire représente déjà « 30 à 45 minutes en plus de travail, plus la manutention des caisses« , explique Pierre Leprêtre, pêcheur sur le Marmouset. Sans compter la fatigue, qui peut être dangereuse dans la Manche, où les marins doivent être vigilants à cause du trafic maritime très dense. Parfois, les cales se retrouvent pleines à ras-bord à cause du surplus de poisson. Un manque de place qui pourrait contraindre les pêcheurs à faire un aller-retour à terre juste pour ramener les rejets, avec à la clé davantage de dépenses en carburant. Et pour l’instant, aucune infrastructure n’existe à terre pour le stockage.

Défi pour la profession

« Trois membres de la Commission européenne sont venus voir sur mon bateau comment ça se passait » et ont « découvert » tous ces problèmes, raconte Olivier Leprêtre, patron du Marmouset et président du Comité régional des pêches. Pour lui, la réglementation est inapplicable en l’état. Il s’agit d’un « véritable défi pour la profession« , a d’ailleurs reconnu la directrice des Pêches Cécile Bigot, lors des assises de la profession à Boulogne cette semaine. Le Marmouset travaille avec des scientifiques pour améliorer la sélectivité de ses chaluts. Mais le poisson non commercialisable représente encore 20 à 25% de ses prises. La règle européenne « a précédé la réflexion sur la manière de tirer parti de ces rejets« ,dit Thierry Missonnier, directeur du pôle de compétitivité Aquimer. Pour tenter de trouver des débouchés, le programme EODE travaille notamment avec Copalis, une entreprise boulonnaise spécialisée dans la valorisation des coproduits de poissons. Elle pourrait s’en servir dans la nourriture pour poissons d’élevage et animaux domestiques. Mais aussi dans la cosmétique, grâce au collagène de la peau du lieu noir et du cabillaud, ou bien avec des compléments alimentaires à base de cartilage de raie. Mais les coûts de transformation pourraient être élevés.

Surtout, il faut « des études fines pour ne pas faire d’investissements qui ne serviront plus dans quelques années« , souligne Emmanuelle Goffier, responsable projets de la plateforme d’innovation Nouvelles Vagues, qui participe à l’expérimentation. Car l’objectif final de Bruxelles est d’éradiquer les prises de poissons indésirés, « le but n’est pas de générer des volumes« , rappelle-t-elle. Or, l’objectif du « zéro rejet » pourrait être atteint d’ici seulement quelques années. « Par la sélectivité, le tonnage de matières premières va se réduire fortement« , pronostique Philippe Costenoble, directeur général de Copalis. Dans ces conditions, « difficile de construire un business pérenne« , estime-t-il.

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