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« L’alimentation d’aujourd’hui est un fait social total »

30.05.18

En cinq chapitres, correspondant aux cinq actes d’une pièce de théâtre mondiale, l’Atlas de l’alimentation de Gilles Fumey et Pierre Raffard revient sur les origines de ce que nous mangeons depuis des millénaires. Sans oublier d’interroger les actuelles et futures transformations alimentaires.

La poésie surréaliste de Paul Eluard a, un temps et pour longtemps, fixé dans notre imaginaire que « la Terre [était] bleue comme une orange ». A scruter la couverture de l’Atlas de l’alimentation de Gilles Fumey* et Pierre Raffard, on prend surtout conscience que le monde tient dans une assiette. Que son menu nous est tout aussi commun qu’inconnu. Fait d’images intimes, enfouies au-delà de nos rétines. Des images, du coin de la rue ou du bout du monde, qui prennent sens grâce au travail précis des deux géographes. Autour des cartes de Pierre Raffard, Gilles Fumey tisse ces récits mondiaux qui « remodèlent notre vision du monde [en donnant] à voir ce qu’on n’avait pas imaginé : la puissance de l’alimentation géographique dans la construction de notre être au monde ».

Ainsi, du triumvirat des céréales élues (riz, blé, maïs) à cette vertigineuse question de savoir si le goût peut être planétaire ou non, on avance dans cet Atlas comme dans un thriller, où les fausses pistes (« le plat préféré des Hollandais est issu de leur colonie indonésienne alors même que ce dernier… n’existe pas, là-bas » ; « l’espresso italien est, en fait, un café… turc ») se succèdent aux révélations (« dans ses œuvres, Rembrandt a annoncé le développement de la viande industrielle » ; « Google a l’ambition de devenir le prochain géant de l’agroalimentaire d’ici à 2020 »). Avec cette certitude : « L’alimentation d’aujourd’hui est un fait social total. »

 

Et, alors que les Etats généraux de l’alimentation se sont clôt, au moment où l’Occident s’apprêtait à partager son traditionnel chapon, cet Atlas de l’alimentation sort en librairie en même temps que s’ouvrent ces autres Etats généraux, ceux des migrations. L’occasion pour les auteurs de le dire clairement : « La puissance de ce qu’on appelle les « traditions » culinaires témoigne du rôle identitaire de l’alimentation. » Tout comme « le retour de la géographie […] rappelle qu’il ne saurait y avoir d’humanité sans lien fort avec la planète. Des liens construits sur la diversité des sociétés et le respect du vivant. » Dans un coin de la cuisine ou sur la table basse du salon, cet Atlas de l’alimentation est à picorer subtilement mais sans aucune modération.

* Géographe de l’alimentation à la Sorbonne et au CNRS, Gilles Fumey est également membre du comité éditorial d’Alimentation Générale.

Atlas de l’alimentation, 
de Gilles Fumey et Pierre Raffard, 
CNRS éditions, 240 pages, 24 €, 
en librairie depuis le 26 avril 2018.

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L'Atlas de l'alimentation

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