Culture food Cinéma

Algues vertes, un thriller qui tue

07.09.23

Dans un joli décor breton prend place une enquête glaçante sur les dessous d’un système impuni à l’origine de dangereuses marées vertes. En salle depuis le début de l’été, Algues vertes dénonce un phénomène mortel qui perdure depuis plusieurs décennies.

 

Encore à l’affiche, le film Algues vertes est une adaptation de la bande dessinée écrite par Inès Léraud et illustrée par Pierre Van Hove. Le dernier drame réalisé par Pierre Jolivet mêle fiction et faits réels autour de la catastrophe des algues vertes. Repoussantes aux yeux des touristes, elles prolifèrent en grande quantité aux larges des côtes bretonnes à cause de l’utilisation massive d’engrais dans les exploitations agricoles environnantes et de l’élevage intensif. 

Le film raconte l’histoire d’Inès Léraud, incarnée par Céline Sallette, une journaliste radio qui enquête sur ce phénomène. À travers sa série “Chroniques bretonnes”, elle documente ses recherches pour comprendre et dénoncer le complot qui se cache derrière ce poison.

Coécrit avec la véritable Inès, Algues vertes débute à la fin de l’année 2015, période durant laquelle la journaliste s’installe avec sa compagne Judith (incarnée avec douceur par Nina Meurisse) à Coat-Maël, un petit village du Finistère. Le but premier de ce déménagement étant de mener l’enquête sur ces marées vertes et sur une hypothèse qui les rendraient responsables des morts de trois hommes, de trente-six sangliers et d’un cheval, en raison du sulfure d’hydrogène qu’elles rejettent.

Le film retranscrit très bien, sans en faire trop, l’ambiance menaçante qui règne au-dessus de tous ceux qui cherchent à dénoncer les rouages de cette fabrique du silence.

Dénoncer le modèle agricole

Inès Léraud comprend petit à petit que le responsable de ce phénomène n’est autre que le modèle agricole productiviste. Une critique ouverte est adressée à la FNSEA lors d’un dialogue échauffé entre Inès et un représentant du syndicat majoritaire en France. Le film retranscrit très bien, sans en faire trop, l’ambiance menaçante qui règne au-dessus de tous ceux qui cherchent à dénoncer les rouages de cette fabrique du silence. Inès va en effet très rapidement se mettre à dos les agriculteurs, les habitants du coin et leurs élus car dénoncer le modèle agricole dans la première région agroalimentaire du pays n’est pas une mince affaire. Pour le réalisateur, Algues vertes est un moyen de donner de la visibilité à cette problématique, et sa dénonciation est d’autant plus importante que ces marées vertes perdurent encore en 2023 sur plusieurs plages des Côtes-d’Armor. Il rend également hommage au courage de ceux qui osent agir pour l’intérêt général malgré les pressions extérieures. Le tournage a d’ailleurs lui-même été perturbé par les réticences de certains élus.

L’histoire est d’autant plus passionnante qu’elle est tirée de faits réels relativement choquants, donnant, de fait, plus de consistance au récit. Le point fort du film est de nous éclairer sur un sujet qui n’est pourtant pas toujours simple à comprendre. Même s’il porte quelques faiblesses, notamment des scènes artificielles et l’absence du côté haletant propre au genre du thriller, le film présente le cœur du problème avec fluidité ce qui le rend accessible à un large public. Algues vertes est finalement à voir davantage pour ses engagements que sa créativité.

 

Algues vertes, film français de Pierre Jolivet. Avec Céline Sallette, Nina Meurisse, Julie Ferrier (1h47)

Pour aller plus loin

Algues vertes, l'histoire interdite

Vu sur : Éditions Delcourt

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