Le Roti-Cochon : derrière un titre qui intriguera les uns et mettra l’eau à la bouche des autres, se trouve un ouvrage unique en son genre, dont la Bibliothèque nationale de France, sur son site de l’Arsenal, possède le seul exemplaire connu.
Petit ouvrage, par la taille et la pagination, le Roti-cochon est une méthode d’apprentissage de la lecture attribuée à un pédagogue de la fin du XVIe siècle, Simon Girault, et imprimée entre 1689 et 1704, par Claude Michard, à Dijon. Sa particularité : presque toutes les phrases – en français surtout, mais aussi en latin – proposées à la sagacité des enfants traitent de cuisine et de gourmandise. Surmontée d’une gravure sur bois représentant un cochon de lait à la broche, figure qui donne son titre à l’ouvrage : « Du Cochon Roti, vive la Peau, étant chaud ». Puis, plus bas, après une seconde illustration, fort appétissante : « LE JAMBON de Pourceau bien Mayencé, est bon à Manger, non pas sans boire ».
Le cochon n’est pas seul mis à l’honneur. Pomme, poire, noix, orange, cerise, abricot, coing, salade, œuf frais, hareng, caille, perdrix, chapon, lièvre, mouton, canard, pâté, craquelin, beignet, gaufre, crêpe ou dragée… : tous les types d’aliments se trouvent convoqués dans ce singulier manuel de lecture. Le vin n’est jamais oublié, qui « réjouit le cœur de l’Homme, sert de Lait aux Vieillards, de Nectar aux Repas & fait le bon Sang, lorsqu’il est pris à propos : mais il gâte tout quand on en prend trop. » L’enfant ayant bien fait ses devoirs sera d’ailleurs récompensé en montant dans le « COCHE pour aller faire VENDANGES avec leurs Pére ou Mére ».
Le livre, qui semble avoir été conçu pour plaire à quelque disciple de Gargantua, contient, entre autres réjouissances, une savoureuse description du pays de Cocagne, « avec ses Aloüettes Roties, Montagnes de Beurre, Ruisseaux et Riviéres de Miel, Vin, Lait, &c. ». Il n’oublie pas pour autant de prodiguer d’entrée de jeu des conseils pédagogiques : instruire l’enfant à partir de ses 7 ans, en s’adaptant à son caractère. Si l’enfant est hautain, il faudra s’arrêter aux figures où l’on étrille les garnements, afin de réprimer son audace. Mais s’il est gracieux et courtois, on le maintiendra dans son bon naturel, en le couvrant de louanges. Gageons que nos lecteurs ne connaissent d’enfants que de la seconde catégorie…
*Isabelle Degrange, Chargée de collections en Gastronomie à la Bibliothèque nationale de France
Feuilletoir ci-dessous :
Pour aller plus loin :
Coron, Sabine (dir.), Livres en bouche : cinq siècles d’art culinaire français, du XIVe au XVIIIe siècle. Exposition, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, du 21 novembre 2001 au 17 février 2002. Paris, Hermann, 2001, p. 127-128.
Courvoisier, Dominique, « Recherches sur l’origine du Roti-cochon », dans Bulletin du bibliophile. Paris, Librairie Giraud-Badin, 1982, p. 375-380.
Lesage, Claire ; Queyroux, Fabienne (dir.), Pour l’amour du livre : la Société des bibliophiles françois, 1820-2020. Exposition, Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, du 6 octobre au 6 décembre 2020. Paris : BnF éditions, 2020, p. 72-73.
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