reportage Déconfinement
En Seine-et-Marne, on peut cueillir ses fruits et ses légumes… avec des gants et à distance
Remplir un panier de fraises en gants de chirurgien, c’est un déconfinement avant l’heure: à une heure de Paris, la ferme de cueillette « la grange » en Seine-et-Marne vient d’être autorisée par dérogation préfectorale à rouvrir au public. Un bol d’air, mais sous strictes règles sanitaires.
« Mon fils, il n’est pas sorti depuis un mois et demi, il n’en peut plus, alors venir ici, ça nous détend« : sous une serre, Liliane, retraitée, s’excuse presque de cueillir des fraises avec son mari et son fils. Normalement, pas plus de deux personnes d’un même foyer sont autorisées à cueillir en même temps. « On n’est pas malade, et ici on sait qu’on craint pas grand-chose! » se rassure-t-elle. Les joyeuses sorties en groupe dans les champs de légumes péri-urbains pour remplir ensemble le frigo semblent loin.
Pour cause d’épidémie, la cueillette s’est transformée en activité purement « alimentaire« , explique à l’AFP Marc Lemarié, qui exploite l’une des neuf fermes de ce type dans le département. « La meilleure chose pour rassurer les gens c’est de faire voir notre sérieux pour appliquer les règles de sécurité sanitaire » ajoute-t-il. Résultat: plus de jeux d’enfants, plus de brouettes, de sécateurs, ni de couteaux à disposition. Les clients sont invités à porter leurs propres outils et cabas. Il faut à tout prix éviter une contagion accidentelle du coronavirus, responsable de l’épidémie de covid-19. Marc Lemarié a installé des distributeurs de savon au dessus des bacs de rinçage des légumes. Des panneaux obligeant chaque visiteur à se laver les mains en arrivant sont placardés. Le casse-tête sera de faire la chasse aux contrevenants.
Nous sommes épuisés
Cueillir des fraises avec des gants de chirurgien, « ce n’est plus le même plaisir qu’avant » confesse Odile Finot, qui habite à 10 kilomètres de là, à La Chapelle Bourbon. « Mais c’est sûrement à cause de l’angoisse générale » se ravise-t-elle. Une botte de blettes sous le bras, Jacques Martin, un retraité de 82 ans de Brie-Comte-Robert à l’oeil pétillant, se réjouit de ces légumes « frais et qui craquent« : « ça nous change des supermarchés« . « Je préfère faire ma cueillette de légumes ici, à l’air, même avec des contraintes, que d’aller en grande surface » complète Pascal Bacquet, un habitué qui remplit un sac d’épinards. Un masque coincé sous le menton, ce métallurgiste dit prendre l’exercice comme une répétition du retour au travail après le 11 mai. Avec un masque sur le visage, « on sent la gêne« , confesse-t-il, « on a une sensation de liberté contrôlée« .
M. Lemarié dit s’attendre à une baisse de chiffre d’affaires de sa ferme « de 20 à 30% » cette année en raison des contraintes sanitaires. D’ordinaire, il écoule quelque 500 tonnes de produits par an. Depuis le début du confinement à la mi-mars et l’interdiction du public, la dizaine de salariés du site s’étaient reconvertis en livreurs de paniers de légumes sur commande. Et ont même obtenu un beau résultat avec 250 paniers la semaine dernière. Mais on ne change pas de modèle du jour au lendemain. « Nous ne sommes pas organisés pour cueillir nous-mêmes » admet l’agriculteur, « il faudrait plus de personnel« . « Nous sommes épuisés » lâche une employée.
Sans compter que pendant la confection des paniers individuels, les travaux de plantation des tomates, betteraves rouges et melons pour la récolte d’été ont pris du retard. Sans l’ouverture au public, les légumes pourriraient dans les champs, ou sous les serres. « Les supermarchés ne veulent pas de nos produits, pas assez standardisés pour eux » ajoute M. Lemarié, qui « ne comprend pas » pourquoi certains préfets d’autres départements n’accordent pas la même dérogation qu’en Seine-et-Marne. « Mes collègues de Seine-Maritime ou de l’Eure n’ont pas pu rouvrir » par décision de leurs préfets, dit-il. Un an de travail perdu, une « catastrophe« .
Par Isabel Malsang et Guillaume Bonnet pour AFP
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