Portrait Artisan

Tonneins, Chaud le jambon !

20.11.15

Deux charcutiers perpétuent la tradition séculaire du jambon de Tonneins. Jadis, à Tonneins (c’est-à-dire avant la fermeture  en 2000 de l’ancienne Manufacture des Tabacs), le cours de la Marne et ses environs n’étaient pas avares de fumet avec l’arrivée de l’automne. Ici, la saison des cèpes et de la palombe se doublait de la tradition du Jambon de Tonneins, servi moulé dans des bols de verre ; à manger chaud en attendant les premiers frimas. Graal culinaire de nombre de familles qui venaient s’y réchauffer les mains et le gosier.

Aujourd’hui, ils ne sont plus que deux charcutiers, intra-muros, à perpétuer une recette transmise de génération en génération. Paradoxalement, la réputation de ce plat typique va croissant.

Le jambon de Tonneins, aussi vieux que la légende du bon roi Louis XIII qui aurait fait honneur au plat ? Une histoire trop belle pour être vraie. En revanche, il est avéré qu’une auberge proposait il y a bien longtemps  un « jambon du postillon » aux voyageurs harassés, cheminant par la route ou par le fleuve. Un plat chaud, tout prêt, à déguster séance tenante, pratique à transporter en carrosse ou à bord des gabares.

Frédéric et Patricia Carlotti  sont installés à Tonneins depuis 2000. Chez eux, le jambon de Tonneins est l’affaire de la semaine. Le mardi est consacré à la découpe des jambons par le patron. Avant d’être enfourné pendant une douzaine d’heures, les morceaux, épais, sont assaisonnés, le plus simplement possible semble-t-il : sel, poivre, épices Rabelais et ail en bonne quantité forment la base de la recette. « C’est le dosage qui fait toute la différence, et les épices sont soigneusement pesées, mais on ne vous dira pas tout … » On saura juste que les prétendus jambons de Tonneins à base d’ail en poudre sont vite repérés, et mis au ban de la charcuterie. Mais personne ne se risquerait à s’y lancer en bord de Garonne : « le jambon de Tonneins, c’est un plat à respecter ! ».

La cérémonie de la mise au bol
Le lendemain, au petit matin, on met à part les morceaux de jambon, la couenne et la sauce, puis c’est l’heure de la mise en bol, dont le fumet fait les délices de tout le quartier. Dans les cuisines, elle dépose la couenne au fond des récipients, puis les morceaux, et enfin le jus à la louche. Le tout va « cailler » durant 2 heures, le temps que la couenne et le jus se transforment en gélatine, et le tout sera prêt à être dégusté.

A l’autre bout de la ville, Antoine Vico a également repris le flambeau du jambon de Tonneins. « La recette elle-même me vient d’un autre charcutier, Monsieur Gras, qui l’avait transmise à André Fageras, qui l’a ensuite améliorée. J’ai effectué mon apprentissage ici, sous ses puis j’ai repris l’affaire en 2000 », commente le patron. Car on prend soin, toujours, de rappeler les noms des maître queux à qui l’on doit ces passages de témoin.

« Le jambon de Tonneins est plutôt un plat d’hiver, explique Antoine Vico, qui se mange très chaud avec des pommes de terre bouillies, mais on peut aussi le consommer froid l’été, coupé en tranches, avec des cornichons ou de la moutarde, ou en petits dés pour l’apéritif. Nous en cuisinons tous les jours, entre 250 à 350 kg par semaine, et à peu d’exception faite, tous nos jambons y passent…»

« La demande est de plus en plus forte, et nous devons en vendre 2,5 tonnes par an » estime le charcutier, pourtant pas totalement satisfait. « Il n’existe pas de marque déposée ou de label pour le jambon de Tonneins, une spécialité très locale, et ça me dérange ! » tempête-t-il. « Il nous manque une appellation et cela peut être du ressort de la Confrérie, qui permet déjà de mieux faire connaître le produit » confirme Frédéric Carlotti. Et le paradoxe veut que les deux charcutiers sont primés pour leur… boudin ! « Là au moins, il y a assez de monde pour organiser un concours… »

Charcuterie Le Petit Gascon
2 rue du Plaisir, 47000 Tonneins
tél : 05 53 79 01 81

Charcuterie Carlotti
6 place Edouard Herriot, 47000 Tonneins
tél : 05 53 79 11 34

Jean-Marc Lernould, Sud Ouest – Le mag – 4 octobre 2014.
Sud Ouest et Le Mag sont partenaires de l’application Adresses Gourmandes.

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