Portrait Producteur

Maraîcher classe

14.03.16

Les amateurs de bonnes tomates aux beaux jours et de pommes acidulées aux jours plus frais, tout comme les habitués de l’incontournable marché des Capucins, connaissent bien sa silhouette trapue, ses chemisettes à petits carreaux et ses lunettes d’acier qui lui donnent un air d’homme d’affaires. Car Philippe Lherme s’est fait ici, si ce n’est un nom, du moins une place grâce à ses bons et beaux produits sélectionnés avec attention.

 

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Des tomates en tous genre

« Je fais tout ce que les autres ne font pas » se plait à dire celui qui a compris bien avant tout le monde que les urbains rêvaient de vraies tomates aux mines gaillardes, aux cotes rebondies et surtout au goût de tomate. Noire de Crimée, cornus des Andes, tomate ananas étalent ainsi leurs galbes avec générosité : « je ne fais que de la grosse tomate, c’est celle qui se vend et puis c’est ma singularité. Tranchées, dans un joli plat, elles sont belles ». C’est vrai qu’elles sont resplendissantes de santé et terriblement appétissantes  les tomates de Philippe. Et ce n’est pas le fruit du hasard mais d’une sélection attentive. Le produit doit être beau s’il veut les vendre.

« Produire c’est une chose, il faut ensuite savoir vendre . Mes tomates sont chères, c’est une manière de me démarquer et c’est un gage de qualité. Depuis cette année, je distribue tous les mois à mes clients une recette différente à base de tomate. C’est une manière de nouer la conversation. Une fois chez eux, ils testent ma recette et viennent m’en reparler le week-end suivant. Ces petites recettes sont un bon moyen pour fidéliser les clients ». Des petits trucs marketing comme celui-ci, Philippe en a plein sa besace. Normal, avant d’être producteur de fruits et légumes, il a été représentant multicarte dans la quincaillerie et le bricolage. Toute l’année, il sillonnait 25 départements pour le compte d’une quinzaine de sociétés. De quoi affuter son sens du commerce et ses argumentaires de vente.

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À l’écouter, l’agriculture ne semble d’ailleurs pas si éloignée que cela de la quincaillerie : quand un produit ne plaît plus, on le fait évoluer ou on l’arrête. Quand il plaît, on augmente la production. C’est le marché de l’offre et de la demande. Les gens veulent de grosses tomates bien rouges et bien juteuses ? Philippe leur en propose. Ils veulent des pommes sucrées et acidulées ? Philippe offre à la vente la Renoir produite par un ami, une petite pomme à la chaire fine et parfumée. Les enfants ne veulent que des pommes rouges ? Philippe en a sur son étal et tend volontiers aux bambins intimidés une Reine des reinettes. Pas n’importe laquelle : il les choisit toujours avec beaucoup de soin, comme s’il cherchait à accommoder au mieux la pomme au minois de l’enfant qui va la croquer. C’est qu’un consommateur, même pas plus haut que trois pommes, ça se bichonne.

La viticulture pour héritage

Mais si Philippe Lherme est connu pour ses tomates et ses pommes, c’est avec la vigne que s’est d’abord lancé ce fils, petit-fils et arrière petit-fils de viticulteurs. La famille est en effet installée depuis des générations à Cabara, une adorable petite commune qui étire ses belles maisons de pierre le long de la Dordogne. C’est ici que Philippe, qui vit à Bordeaux, restaure à petits pas la maison familiale. C’est ici qu’il vient regarder pousser la vigne de ses ancêtres, ses quelques 200 plants de tomates et ses courgettes. C’est ici qu’il vient restaurer ses vieux pommiers. C’est aussi ici qu’il fait de grands projets d’avenir : restaurer l’ancien chai, refaire le toit de la maison effondrée depuis un incendie récent, construire une cabane dans les arbres, poursuivre sa collection de ferraille, lancer un salon du livre de cuisine…

Une agriculture de petits tiroirs

C’est seulement depuis 1999 que Philippe a décidé de revenir à la terre et à la propriété viticole familiale, la crise du Bordeaux a fait le reste : « ça marchait bien sans trop marcher. Mes copains viticulteurs me disaient que c’était la crise. Je me suis souvenu que mon grand-père en 56 quand les vignobles avaient été dévastés par le gel, avait planté des asperges. J’ai en planté dans les palus ». Ses premières asperges, Philippe les vend au marché de Libourne, jusqu’au jour où un paysan voisin qui vendait sa production au marché des Capucins de Bordeaux, ne peut s’y rendre et lui propose de vendre à sa place. On est en pleine saison des asperges. Philippe fait un carton :« c’est comme ça que j’ai fait mon entrée aux Capucins ». Mais l’asperge est saisonnière et ingrate à produire « il faut trois ans à un plant pour commencer à produire ; au bout de 7 ans, il faut replanter », alors Philippe l’abandonne, fait un temps dans le poireau qu’il vend principalement aux pêcheurs de lamproie qui en utilisent à foison pour préparer la fameuse recette de la lamproie à la bordelaise.

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Il se lance ensuite, avec un ami conserveur, dans la tomate et la pomme qu’il décline en jus : « le jus de tomate, c’est un produit qui m’a vraiment aidé à démarrer dans le haut de gamme ». En parallèle, il continue à produire du vin, 15 000 bouteilles par an, qu’il vend en direct ; et travaille avec des agriculteurs du Lot-et-Garonne ou avec des amis-voisins dont il sélectionne avec attention les pommes, pommes de terre grenailles, pêches, œufs et autres produits de saison, histoire de compléter sa gamme. « Je fais une agriculture d’artisan-paysan et de petits tiroirs. Je ne travaille pas vraiment, je n’ai que des occupations et fais les choses uniquement par plaisir ». Un peu comme ses clients, qui viennent acheter ses produits parce qu’ils sont beaux, qu’ils sont bons, qu’ils sont chers, mais que c’est un plaisir.

Retrouvez Philippe Lherme au Marché des Capucins
Place des Capucins
33800 Bordeaux
Samedi, 7h30-13h / Dimanche, 7h30-13h

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.

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