Jean-Pierre Téléria est un coffre-fort. A lui tout seul, il possède toute une entreprise. Non pas parce qu’il y a investit beaucoup de capitaux, mais parce qu’il est le seul détenteur vivant de la recette des macarons Adam que tout Saint-Jean-de-Luz considère comme un patrimoine de l’humanité depuis 1660. Ça ne s’invente pas, l’adresse est tout aussi bien rue de la République que Place Louis XIV. La noblesse du produit à la portée de chacun, telle pourrait être la devise de cette institution qui traverse l’histoire de la gastronomie basque.
Jean-Pierre Téléria déboule à toute vitesse au Majestic, le bar en face de sa pâtisserie en s’excusant de ses une minute et trente cinq secondes de retard. Il arbore un T-Shirt siglé Aston–Martin. Culte de James Bond ou amour de la voiture exceptionnelle ? La deuxième option lui va bien, un certain amour de la perfection technique cumulée avec un design très élégant, les artisans de qualité se reconnaissent entre eux. La crainte, avec 355 ans d’héritage sur les épaules, c’est soit l’absence totale de discours innovant, soit le méchant complexe de supériorité. Et bien, rien de tout ça, Jean-Pierre Téléria est un amoureux de la pâtisserie et on pourrait en rester là pour le qualifier.

Commençons quand même par l’histoire qui forme les légendes, avec un certain Louis XIV qui s’entiche de l’infante espagnole Marie-Thérèse, dont il se séparera secrètement plus tard. L’avantage de ce petit arrangement entre amis monarques, c’est que Louis doit s’installer un peu à Saint-Jean-de-Luz pour y célébrer les noces royales. Et il semblerait qu’à cette occasion, le pâtissier Adam fit goûter ses macarons à la reine-mère, laquelle s’empressa de vanter la qualité de la chose aux jeunes épousés. Et hop, le service export de la Maison Adam se met en route pour Versailles, direction les pâtisseries de la Cour.

A vrai dire, le prénom qu’il faut retenir, ce n’est ni Louis, ni Marie-Thérèse, mais Pascaline, une fille Adam qui a la bonne idée d’épouser Valentin Telluria, un cordonnier espagnol qui va trouver chaussure à son pied dans la pâtisserie. Nous sommes dans les années 20 et c’est Valentin qui sera le premier business man de la famille à développer les implantations et les produits pendant que Pascaline, cuisinière et pâtissière émérite veille à la qualité. A partir de cette époque, point essentiel du savoir-faire et des secrets de famille, la recette de ce macaron particulier ne se passe que de père en fils et oralement. Valentin va donc transmettre à Jakes le père de Jean-Pierre qui confirme. « Quand j’étais gamin, je me souviens très bien de ces ambiances de sortie de l’école où je venais là au Majestic prendre mon goûter avec mon père. Dès que j’ai eu l’âge de comprendre, il a commencé à m’amener dans le laboratoire et à m’apprendre la recette, sans vraiment savoir si je deviendrai pâtissier mais pour que ça reste dans la famille. J’ai fait exactement la même chose avec mes fils. »
Et pâtissier il a fait, et pas en version étriquée. Apprenti à 15 ans, il devient maître pâtissier en 1987 pour rejoindre Lenôtre à Paris, puis expériences à New-York et San Francisco pour revenir avec des idées novatrices. En 2010 nouveau développement Place Louis XIV avec l’ouverture d’une épicerie boulangerie parce que la marque Adam le vaut bien. « Avant de me lancer, j’ai d’abord appris à faire le pain pour être certain de recruter les bons boulangers. » Jean-Pierre déteste être pris en défaut de connaissance et veille à maîtriser rigoureusement chaque rouage de son entreprise de 30 personnes dont la majeure partie sont des fidèles de longue date.

Alors, qu’a-t-il donc de spécial son macaron ? Comme on le sait, rien de plus difficile à décrire qu’un goût. Disons qu’il est moelleux et craquant juste comme il faut, on pourrait dire fondant, on sait qu’il n’a reçu ni additif ni conservateur et que les amandes proviennent essentiellement de Valienca et Marcona (Catalogne), qu’elles sont certainement légèrement torréfiées et qu’elles s’avèrent très douces en bouche. Si on se laissait un peu emporter, on pourrait parler d’un macaron soyeux.

Arrivé là, on se demande évidemment où en est la succession. Et bien Jean-Pierre Telleria a dû savoir transmettre quelque chose de son enthousiasme puisque ses deux fils sont entrain de monter une machine de guerre. Andoni est pâtissier chocolatier et son jeune frère Miguel achève aux Etats-Unis des études de commerce. Les deux ont déjà annoncé la couleur : développer l’entreprise familiale et revenir aux fondamentaux de Valentin et Pascaline, en ajoutant encore une génération d’Adam au compteur de l’excellence pâtissière, en route pour fêter l’anniversaire du demi siècle.
Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.
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