Une ferme périgourdine se consacre à la production de safran, cette épice rouge particulièrement recherchée pour agrémenter certains plats de cuisines du monde entier. Près du bourg de Saint-Geniès, Augustin Chacou en propose plusieurs déclinaisons, de la confiture au chutney, toutes plus alléchantes les unes que les autres.
Pénétrer dans le monde du safran, c’est ouvrir le coffret à secrets d’une des épices les plus fantasmatiques. La parcimonie avec laquelle elle offre ses trésors l’érige en quête absolue des gourmets. Imaginez donc : pour un crocus, la belle fleur mauve réceptacle du safran, on ne recueille en général que trois stigmates. Ces filaments rougeâtres, une fois séchés, relèveront les plats de leur suprême délicatesse. Plus frappant encore, même s’il se négocie autour de 30 euros, un gramme de cet or rouge nécessite la récolte de 200 fleurs. Difficile dès lors d’espérer faire fortune en courtisant la sémillante épice.
Renouer avec une histoire française
Mais ce n’est pas la fortune que recherche Augustin Chacou, quand il entame sa reconversion professionnelle en 2007, si ce n’est celle d’une osmose avec des paysages qu’il côtoie en vacances depuis plusieurs années. L’appel de la nature est irrépressible. Augustin laisse derrière lui la grisaille d’une routine dans le milieu industriel, ainsi que ses premières expérimentations safranières de Rambouillet, pour rallier un terroir plus adapté à sa muse épicée. Les sols calcaires du sud se révèlent plus favorables à la culture du safran. Historiquement, c’est pourtant Louis XIV qui impulsa son essor en France, en favorisant l’implantation de champs entiers en Gâtinais. À l’époque, sa rareté en faisait une monnaie d’échange prisée, particulièrement pour constituer les dots. Plusieurs dizaines de tonnes étaient ainsi produites par les safranières françaises à la fin du XVIIIe siècle, avant qu’elles ne connaissent un inexorable déclin. En Dordogne, la culture du safran renaît dans le souvenir de jardins safraniers qui existaient avant la Révolution.
Augustin, en s’implantant sur ses terres de Saint-Geniès, entre Montignac et Sarlat, n’a guère de dot à constituer, plutôt une nouvelle vie à embrasser de toute son énergie et de toute son envie. « Il me semblait plus original, en achetant cette ferme en Périgord noir, de vouloir produire du safran que d’élever des canards ! » Dans le même temps, avec son épouse et ses enfants, il s’engage dans un projet total de restructuration, en proposant des gîtes à côté de son exploitation agricole.
Le Monde du Safran respecte des modes de culture naturels, sans engrais ni pesticides. Aujourd’hui, de sa parcelle en production, Augustin tire son chiffre d’affaires d’environ un tiers de safran pur, contre deux tiers de produits dérivés, confitures, chutneys, moutardes par exemple, dont l’épice rougeoyante magnifie les couleurs originelles. « Nous aimons inventer des alliances de goût insolites, à partir de produits de base que les gens connaissent bien. » Les bulbes de crocus sont aussi commercialisés, et permettent aux particuliers de tenter des expériences culinaires directement issues de leurs propres plantations.
Des adaptations infinies
Si les 300 à 400 grammes de safran commercialisés chaque année par l’entreprise périgourdine peuvent sembler dérisoires, il faut les rapporter aux 50 kilos produits actuellement en France. Nous sommes en la matière largement distancés par des pays comme l’Espagne, l’Italie ou le Maroc, qui en cultivent autour d’une tonne chacun. Et que dire de l’Iran et de ses 200 tonnes annuelles ! Dans ces pays, le safran relève d’une tradition gastronomique au quotidien : paella en Espagne, risotto en Italie, tajine au Maroc, desserts en Iran. Mais il est avant tout un magnifique exhausteur de goût pour les plats les plus variés. « Il est parfait avec les viandes blanches en sauce : fabuleux par exemple avec une blanquette de veau », nous appâte Augustin. Il déconseille absolument de l’acheter en poudre, et donne trois raisons majeures pour privilégier les filaments entiers. D’abord ceux-ci prouvent l’authenticité du produit, ensuite l’épice est ainsi plus facile à doser, et pour finir elle dégage davantage de saveur quand elle est écrasée au pilon.
Le pic floral du safran se situe fin octobre. « Souvent deux jours avant ou après la pleine lune, en tout cas moi j’y crois, et quand on y croit, ça aide ! » sourit l’agriculteur. Pour ajouter quelques pincées de poésie, il faut savoir que le crocus fleurit au lever du jour. Avec le safran, la conquête du nez et du palais est joliment précédée du plaisir des yeux.
Le Monde du Safran
Augustin Chacou
Croze de Leygue
24590 Saint-Geniès
tél : 05 53 29 77 74
Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.
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