Scandales alimentaires à répétition, système intensif peu respectueux du bétail, souffrance animale dans les abattoirs… La consommation de viande n’a jamais autant été décriée, et les consommateurs montrés du doigt. Dès lors, quel avenir se profile pour les mangeurs de viande ? Doivent-ils consentir à l’élevage industriel en achetant leur viande en supermarché ou, pris par la culpabilité, doivent-ils renoncer à la viande et suivre les injonctions des vegans ? Dans leur livre Encore carnivores demain?, Olivier Néron de Surgy, journaliste scientifique, et Jocelyne Porchet, directrice de recherche, tentent de creuser une troisième voie.
Leur constat de départ : les hommes ont, de tout temps, vécu avec les animaux, les élevant et les tuant pour s’en nourrir. Historiquement, la relation de l’homme aux animaux n’est pas seulement une relation de travail, mais aussi une relation d’affection. La mécanique se grippe au XIXème siècle, lorsque la révolution industrielle impose ses règles, transformant l’élevage en un secteur économique comme les autres, à vocation lucrative… Les animaux deviennent alors source de profits.
Le leitmotiv du bien-être animal
Jocelyne Porchet et Olivier Néron de Surgy replacent les relations hommes-animaux dans une perspective historique. Au fil des pages, ils ponctuent leur raisonnement par des réponses à leurs détracteurs, les défenseurs de la libération animale. L’élevage, et plus généralement domestication, ne serait qu’un rapport d’exploitation, une mise en esclavage ? Faux, répondent les auteurs. «Selon une vision moins unilatérale, les animaux ne sont pas des victimes impuissantes qu’il faudrait libérer du joug humain : la domestication est réalisée avec eux (…) Pour les paysans, les animaux sont d’abord des partenaires de travail».
Pour illustrer l’opposition élevage traditionnel (« une source de bonheur ») vs système industriel (« une fabrique de souffrances »), les auteurs nous emmènent en balade dans les Alpes-de-Haute-Provence, chez Muriel et Stéphane qui élèvent 200 moutons et quelques chèvres. Respect de l’environnement, bonnes conditions de vie, label bio et vente directe aux consommateurs, le tableau est enchanteur. Mais cela suffira-t-il à calmer la colère des abolitionnistes ?
Sauvegarder la diversité des races animales
En 2015, la diffusion d’images-chocs révélant les traitements inhumains réservés aux animaux lors de leur mise à mort, dans 7 établissements, a jeté l’opprobre sur tout un secteur (le premier procès d’un abattoir vient de s’ouvrir à Alès)… et a coupé l’appétit de bon nombre de carnivores, gonflant les rangs des végétariens et végétaliens. Or, selon Jocelyne Porcher, il suffirait qu’on encourage un élevage traditionnel, ainsi que des méthodes d’abattage dignes de ce nom, pour que les consommateurs retrouvent le chemin de la boucherie.
Mais pas n’importe quelle boucherie. Les auteurs d’ Encore carnivores demain ? vantent seulement les mérites de quelques professionnels, « des accompagnateurs », ceux qui font le choix de la qualité, de l’élevage raisonné, du bien-être animal. Les auteurs comptent remettre l’éleveur au centre du processus : sa mission principale est de sauvegarder la diversité des races animales, alors que la grande distribution se concentre sur quelques «races à viande».
En guise de conclusion, Jocelyne Porcher livre une « éloge de la bergerie », témoignage sur quelques moutons qu’elle a sacrifiés dans sa ferme, faute de place. «C’était il y a longtemps», explique-t-elle, nostalgique. Une autre époque, où les animaux pouvaient encore mourir à la ferme, sans passer par la case abattoir. Encore carnivores demain? permet de démêler les discours sur « l’élevage » et esquisse intelligemment des scénarios de changement dans notre alimentation et notre relation aux animaux.
Encore carnivores demain ?
Olivier Néron de Surgy et Jocelyne Porchet
mars 2017, Editions Quae
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