Chronique Expo

Street food et contrôle des prix alimentaires: les Romains avaient tout inventé

04.08.15

« Street food », mondialisation des modes de consommation et contrôle des prix par le pouvoir politique: une exposition démontre dans la capitale italienne que les Romains avaient tout inventé, même dans le domaine de la nourriture.

Nourrir un Empire
En parallèle de l’Exposition universelle de Milan (nord), consacrée jusqu’au 31 octobre aux thèmes de l’agriculture et de l’alimentation, le musée de l’Ara Pacis à Rome organise une exposition très pédagogique et didactique, intitulée « Nourrir l’Empire, de Rome à Pompéi ». Elle part d’un postulat simple: comment les Romains parvenaient-ils à nourrir un Empire d’une cinquantaine de millions d’habitants, et surtout une capitale d’un million de personnes, qui fut la plus grande métropole de l’Histoire jusqu’à ce qu’elle soit détrônée par Londres lors de la révolution industrielle ? « La logistique déployée par les Romains pour se nourrir est fascinante« , souligne la commissaire de l’exposition, Orietta Rossini. Ainsi, une fois l’Egypte conquise, celle-ci devient province impériale, avec l’idée pour les Romains d’en faire le grenier à blé de leur empire. Dès lors, le blé constitue la denrée de base de l’alimentation romaine et des trésors d’organisation sont déployés pour l’acheminer à Rome, à moindre coût et surtout, toute l’année.

Des navires, contenant chacun entre 120 et 500 tonnes de grain, sont affrétés par des armateurs privés, pour une durée maximale de transport d’un mois entre Alexandrie et Ostie. Ces transports s’effectuent sous le contrôle de fonctionnaires d’Etat très puissants, dirigés par le préfet de l’annone, « un ancêtre du partenariat public-privé moderne en somme », souligne Mme Rossini, historienne. Ce qui fait de l’empereur « le seul dispensateur du pain quotidien, l’unique responsable de l’approvisionnement », une fonction qui en perdra certains tandis que d’autres, les « populistes », sauront en tirer profit, ajoute-t-elle.

Diète méditerranéenne
Auguste met ainsi en place la distribution gratuite de 35 kg de blé par mois à 20.000 citoyens, soit les hommes libres et âgés de plus de 17 ans. Les provinces africaines prendront ensuite le relais de l’Egypte, car il ne fallait que trois jours et trois nuits pour effectuer le voyage de Carthage à Ostie, le port de Rome. Au blé, s’ajoutent ensuite le vin, vendu à des prix « planchers », puis l’huile et la viande, dont la distribution est mise en place sous Aurélien (270-275 ap. JC). Les Romains consomment beaucoup de fruits et de légumes, un peu de viande et de poisson… Et voilà comment se constitue la « diète méditerranéenne » tant vantée depuis. « Tibère adorait le concombre et Auguste les asperges« , précise Mme Rossini, en montrant un échantillon des aliments carbonisés trouvés lors des fouilles d’Herculanum, détruite durant l’éruption du Vésuve en 79 après JC, en même temps que Pompéi. Fèves, petits pois, pois chiches, lentilles, fruits secs, oignons, amandes, dattes, pignons de pin, figues…

Les Romains avaient un régime très varié et relativement uniformisé préfigurant une « mondialisation des modes de consommation », il était composé d’aliments dont la « production était délocalisée dans tout l’Empire », explique Mme Rossini. Les Romains buvaient ainsi des vins de Gaule et de Chypre ou, pour les plus riches, de Campanie. Leur huile provenait d’Andalousie, leur miel de Grèce, tandis que le garum, un condiment à base de poissons séchés dont les Romains étaient friands, arrivait du Portugal.

La journée commence par le jentaculum, un petit-déjeuner avec pain, fromage et oeuf, suivi du prandium (déjeuner), pris sur le pouce dans les popinae (tavernes) et les thermopolia, ancêtres des enseignes de fast-food. Après les thermes, c’est l’heure de la cena (dîner), que les plus riches transforment en de longs et copieux banquets, chantés par le poète Martial dans ses Epigrammes. L’alimentation est si capitale que Dioclétien (284-305) promulgue finalement un édit sur le contrôle des prix alimentaires, pour empêcher qu’ils flambent. A l’époque, alors qu’un boulanger gagnait 50 deniers par jour, il fallait débourser 60 deniers pour deux poulets, 4 pour 25 figues, 30 pour un demi-litre de vin de Falerne et 12 pour 300 grammes de viande de porc.

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