Culture food Culture food

Carnets de festins imaginaires écrits dans les camps de concentration

28.03.18

Camps de concentration nazis et camps de travail soviétiques ou chinois ont abrité toutes sortes d’activités où l’imaginaire restait au pouvoir. La documentariste Anne Georget a ainsi réalisé « Festins imaginaires » à partir d’incroyables carnets où nourriture rime tout aussi bien avec évasion que testament. Ces pièces, jamais présentées auparavant, font partie de l’exposition « Évasion, l’art sans liberté » qui ouvre le 7 avril prochain au Musée International des Arts Modestes de Sète.

Anne Georget ne s’y est pas trompé quand elle a réalisé son film « Festins imaginaires » en 2015. Il lui a fallu convoquer philosophes, anthropologues, psychanalystes, historiens et neuroscientifiques pour explorer tous les recoins de l’humain en situation d’extrême privation et ne pas s’arrêter à des interprétations univoques. Tout a probablement été dit et écrit sur les situations concentrationnaires, mais les carnets de prisonniers, entièrement consacrés à des recettes posent des questions  autrement plus complexes que la simple privation matérielle de nourriture.

Carnet de Nicole Clarence camp Leipzig Schonefeld
Carnet de Nicole Clarence, camp Leipzig Schönefeld
Carnet de Warren Stewart camp de Kawasaki
Carnet de Warren Stewart, camp de Kawasaki
Carnet Henriette Kermann camp Zwodau
Carnet Henriette Kermann, camp Zwodau

Ce sont des centaines, des milliers de recettes, que des déportés de toutes origines ont réuni dans de petits carnets, prenant pour cela d’énormes risques. Cachés dans les familles depuis des décennies pour la plupart, ces carnets sont exceptionnels car rares sont les documents produits dans le quotidien de la captivité et de l’anéantissement. Ils enfreignent les représentations de la déportation.
 De ces recettes aux titres parfois mystérieux − « Cake milky way », « Marrons St Hubert », « Gesundheit Kuchen » … −  émerge une dimension proprement universelle. Souvenirs ? Nourritures ? Rêves ? Testaments ? Evasions ?

La recette, ses ingrédients, la nature qui les produit, l’imaginaire qui les associe ne sont pas seulement des représentations des nourritures terrestres mais sont ici sublimés pour produire un geste d’écriture, une activité interdite, une échappée imaginaire du prisonnier. «Conçues dans un univers déshumanisé entre tous, ces recettes semblent avoir été, pour ceux qui les ont écrites, un moyen vital de résister à la destruction, de fabriquer du sens au milieu du chaos, de convoquer l’humanité.» précise Anne Georget au sujet de ces carnets. Et si l’on admet comprendre un peu les motivations de celui-ci, plus mystérieux encore est le statut de lecteur, dans les camps, puis dans les familles où ont été conservés ces carnets et désormais pour le visiteur d’exposition.

Exposition du 7 avril au 23 septembre / MIAM à Sète.
Plus d'informations ici

Photo de Une : Carnet de Marcel Letertre

Ailleurs sur le web

Recettes rêvées et festins de mots

Vu sur : On ne parle pas la bouche pleine!

Partagez moi !

Vous pourriez aussi être intéressé par

Culture food Québec, la Saison des sucres

La Commanderie de l’Érable

20.03.24
À une petite cinquantaine de kilomètres de Montréal, au cœur du Parc Régional Bois de Belle-Rivière, on trouve quelques passionnés d'un arbre réellement unique, d'où sort une eau toute aussi magique. Par la perpétuation d'un savoir-faire ancestral d'une précision...

Culture food Restauration

Excursion dans quatre food courts parisiens au goût du jour

Voici quelques années, le mot même de food court, que l'on a pris l'habitude de ne pas traduire, était  absent de l'univers de la restauration. Concept plutôt anglo-saxon, le voilà rendu ultra tendance avec l'ouverture récente de plusieurs pôles...

Culture food La BNF gourmande

Le viognier et le vin blanc de Condrieu

15.03.24
Quand, en 1901, dans le tome II de leur Ampélographie, Pierre Viala et Victor Vermorel décrivent le viognier, ce cépage vient de subir les ravages du phylloxéra.