Culture food À lire (ou pas)

Self Service, une passionnante vie de demi-pensionnaire

15.03.18

Pendant toute une année, Benjamin Rondeau, professeur de français au collège Cotton du Blanc-Mesnil (Seine St. Denis), a pris quotidiennement en photo les plats servis à la cantine de son établissement. Tous sans fautes, sauf le lundi! À partir de cette expérience quotidienne, il écrit « Self Service, une vie de demi-pensionnaire ». Un regard tendre et précis sur une gastronomie du quotidien.

Benjamin est né est en 1981. Il se définit comme « passionné de choses systémiques et de littérature sérielle », et prend ainsi de nombreuses photos en série, inspirées par Eric Tabuchi et de ses photographies obsessives. Grand amateur du verbe, celui qui n’est resté que quelques mois à Louis-le-Grand pour cause de « conceptions du temps libre fondamentalement inconciliables » est aussi un Oulipien. Il aime jouer avec les mots et « avec la forme, sans oublier le fond » précise-t-il. En 2015, il publie son premier livre, Ces soirées-là, sous le pseudonyme de Gargoigne Berkin, aux Éditions du Motel. Il y manie déjà le sens des toutes petites anecdotes comiques que l’on retrouve dans Self-service.

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Saucisses-lentille

Benjamin mange tous les jours à la cantine, sauf le lundi, et ce n’est pas un détail. « On peut dire que j’ai 25 années pleines de cantine derrière moi. 36 semaines par an. 4 fois par semaine en moyenne. Soit, grosso modo, 3 600 repas avalés dans des restaurants scolaires. L’équivalent de 10 années de déjeuners consécutives. Ce qui suit est donc, avant tout, le récit d’une expérience » explique-t-il. Durant une année scolaire, il a donc photographié méthodiquement soixante-quatre plateaux-repas qui lui ont été servis à la cantine du collège où il enseigne depuis 12 ans. Pas des grands repas non, mais des repas ordinaires. « Il y a quelque chose que j’aime dans le quotidien et le populaire ; j’avais envie de faire un beau texte sur une chose un peu banale.  Plutôt que l’inverse » dit-il en rigolant. « C’est vrai, souvent soit on parle de grands chefs ; soit on voit du food porn. Mais finalement, on ne parle jamais du milieu, de la monotonie de la bouffe du milieu, de ce ventre mou qu’est le quotidien. Moi je voulais témoigner ce cette réalité dans laquelle il y a souvent de belles surprises. » poursuit-il.

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V comme Vendredi

Héritage commun

On y retrouve les classiques lentilles-saucisse et blanquette de veau, mais certains des plats nommés de façon plus poétique tels que Nudisme champêtre, Drame rural ou encore Winter is coming. Tous légendés en collaboration joyeuse avec Henry Michel, auteur et humoriste. Quand on pose à Benjamin la question de son plat préféré, il répond sans hésitation « Les pâtes à la Bolognaise : une valeur sûre. Il faut dire qu’à la cantine, on cherche souvent le moindre mal. Mais enfin cette année là, je ne travaillais pas le lundi, jour des pâtes bolognaises, donc vous ne les trouverez pas en images. De même que le repas de Noël, celle qui n’a pu être prise, car elle débordait du plateau!»

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Winter is Coming

Les photographies sont suivies d’un abécédaire qui va, comme on peut l’imaginer, de A à Z. Illustré par le dessinateur Comunlundi, avec qui Benjamin a partagé les bancs de la cantine, il égrène les sujets avec une grande liberté : le C comme Contraintes ou le Y comme Yaourt, en passant par Q pour Qualité/Quantité – car en effet comment cuisiner avec 1,3€ pour une entrée, plat dessert ?, le Gâchis, le Hamburger « qu’on sert les jours de fête et qui réjouit, même si on sait qu’il va être mauvais », la Médiocrité ou encore le Pornfood. Dans ces récits courts, on retrouve ce qu’on a tous connu comme mangeur de cantine : les applaudissements du réfectoire quand un verre se brise, les brocs d’eau, le numéro au fond des verres Duralex, le fromage en portion individuelle et le poisson du vendredi. Mais aussi les portraits du chef de cantine William Leroy, celui d’une collègue de travail de l’auteur fraîchement convertie aux joies du réfectoire, des témoignages d’élèves et de multiples souvenirs personnels et passionnants.

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Q comme Quantité / Qualité

A la frontière de l’essai et de l’autobiographie documentaire, Self Service fait état du monde actuel et « dresse le portrait bancal d’un patrimoine culturel à la fois banal et monstrueux, spécifique et universel. » annonce l’éditeur. Le tout écrit d’une plume légère et enjouée, toujours fine et pleine d’un humour constant.

Self Service, Benjamin Rondeau
Éditions du Motel
15€ - Commander

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