Portrait Artisan

Un jambon à l’INPI

20.11.15

La boucherie-charcuterie Lahouratate est une institution. Il n’y a qu’à voir comment touristes et locaux se pressent dans le commerce de la rue principale de Laruns pour comprendre qu’ici, les amateurs de bonne viande, de charcuterie et de conserves généreuses se sont donnés rendez-vous. C’est à quelques kilomètres de là que se confectionnent toutes ces merveilles. La poigne ferme, la voix puissante, le regard portant loin, Jean-Marc Lahouratate règne sur son empire.

Les Lahouratate en Béarn c’est un peu comme les Dupont en France ou les Gonzalez en Espagne, sauf qu’ici, ils ont toujours été bouchers-charcutiers. « Il y en avait à Pau, à Arudy, à Morlaas et ici bien sûr » précise Jean-Marc Lahouratate, cinquième génération de bouchers-charcutiers à Laruns, dernier gros bourg de la vallée d’Ossau avant d’attaquer la montagne. « Avec ce nom là, ils ne devaient savoir faire que ça ! ». Dès lors, porter ce nom ne pouvait que conditionner l’avenir du petit Jean-Marc. « J’ai toujours voulu faire ça. Je n’ai jamais rêvé de faire gendarme, voleur ou pompier comme les autres. À 7 ans il fallait me sortir de l’abattoir et me surveiller comme le lait sur le feu. Petit, j’ai même désossé le cheval à bascule de mon frère ! ». De sa bonne blague de l’époque, Jean-Marc en rit encore.

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La viande dans le sang

La viande dans le sang et peut-être dans les gènes, le rejeton est envoyé par son père à Pau pour se former. Il en revient à 17 ans avec un CAP de charcutier « mon père et mon grand-père ne faisaient que boucherie, c’est moi qui ai démarré la charcuterie. Il a fallu tout mettre en place ». Très vite, il se lance dans la charcuterie cuite. Le jambon sec qui fait aujourd’hui sa renommée et compte pour une part importante de son chiffre d’affaires arrive plus tard. « À l’époque, je m’intéressais uniquement au jambon cuit. Aujourd’hui le sec est mon fer de lance. La création du Consortium du Jambon de Bayonne a fonctionné comme un déclencheur pour moi. Avant cela, chacun faisait son jambon dans son coin, mal pour la plupart. Celui qui arrivait à bien le faire ne le disait pas aux autres. Aux premières réunions du Consortium, j’ai rencontré des gros opérateurs, des gens qui tenaient la route. Avec eux, j’ai compris de suite que pour faire du bon jambon il fallait du savoir-faire et de la technique ».

Non sans fierté, Jean-Marc égraine les chiffres actuels de sa production : 30 000 jambons de Bayonne sortent chaque année de son atelier, soit 600 par semaine. Sans oublier sa marque « personnelle » déposée à l’INPI sous le nom de Jambon de la Vallée d’Ossau. Avec ses 120 jambons par semaine, sa production est à peine plus confidentielle que celle du Bayonne. Pour ce jambon au gras plus marqué que son grand frère de l’Adour – « il a du gras comme dans les très bons jambons espagnols » -et qui vieillit au minimum 12 mois -« en ce moment j’en mange un qui aura bientôt trois ans »- , il utilise les mêmes cochons et le même sel de Salies-de-Béarn que pour l’IGP Bayonne. « C’est un produit pour lequel on est parti de zéro », claironne-t-il. Même fierté pour ses viandes : veau élevé sous la mère acheté directement chez les éleveurs de Bigorre, du Bas-Ossau, d’Aspe ou de Navarrenx, Blonde d’Aquitaine venue des départements voisins, agneau de lait des Pyrénées produit dans les trois vallées du Haut-Béarn (Aspe, Ossau, Baretous) : « il n’y a pas 1 kg de viande étrangère qui passe chez nous ».

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La stimulante compétition père-fils

Ainsi, Jean-Marc a-t-il su capitaliser sur le travail de ses aïeux. Il a en parallèle imaginé une gamme de conserves cuisinées (civets, confits, salmis, daubes, garbures…), très peu développées à l’époque de son père. Son père justement, Jean-Marc revendique haut et fort d’avoir su créer la rupture et introduire du changement par rapport à lui : « avec mon père, on a eu un vrai conflit de génération, un conflit assez classique entre père et fils. Il tenait à la boucherie, je voulais développer la charcuterie. On était en compétition. Si je développais quelque chose de nouveau côté charcuterie, il faisait de même côté boucherie : c’est comme ça que la Maison Lahouratate est montée ». Ses yeux brillent, il est heureux et fier à l’évocation de cette période stimulante : «  je n’allais tout de même pas rester à la remorque de mon père ! ». Quant à jouer la compétition avec son propre fils de 30 ans qui travaille avec lui, il ne l’envisage guère : « on fait déjà tout, je ne vois pas ce qu’il pourrait inventer ».

Depuis qu’il parle et explique son métier, Jean-Marc semble avoir des fourmis dans les jambes, impatient de montrer son atelier, ses salles de découpe, de fabrication ou de séchage. Le bâtiment est immense, les salles se succèdent, toutes pleines à craquer. Chaque lourde porte poussée ouvre sur des alignements parfaits de viandes rouges, de saucisses en chapelets, de jambons en colonnes… Dans le froid des immenses salles, ça fleure bon « ici, c’est comme la banque de France ! » s’exclame Jean-Marc Lahouratate usant de toute sa force pour ouvrir des portes qui semblent en acier blindé. « Tout est fait artisanalement, mais, vous savez, 29 salariés et 8,5 millions de chiffre d’affaires, ça vous prend plus que la journée ». Une manière comme une autre de vous signifier que son empire l’attend et qu’il est temps de vous retirer.

Boucherie-Charcuteruie Lahouratate
17 rue du port
64440 Laruns
tél : 05 59 05 43 44

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.

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