Portrait Artisan

L’homme qui donne de la tendresse à la viande

13.09.16

Le coup est parti de Sébastien Bras, l’immense chef de Laguiole en Aveyron. Au détour d’une conversation sur la qualité de ses viandes, il nous lance un mystérieux « Il faut vraiment que tu rencontres Lulu ». Aussitôt dit, aussitôt fait, direction la zone industrielle.

Ce n’est pas une blague, il existe une zone industrielle à Laguiole ! Alors évidemment, au beau milieu des près vallonnés à l’infini, l’urbanisme fait un peu tache. La Maison Conquet est là, propre sur elle, elle affiche sa baseline : Traditions d’Aubrac. Lucien Conquet nous attend avec gourmandise. Les histoires qu’il a à raconter nous feraient bien un bouquin dont il pourrait secrètement penser que ce serait un best seller. Et il aurait raison.

« Je suis le plus jeune de quatre frères bouchers, fils de boucher. Un de mes frères n’a pas toujours fait ça, mais aujourd’hui nous sommes tous associés. » Aussi loin que Lucien se souvienne, il avait les mains dans la viande. « Quand je rentrais de l’école, je passais directement à la boucherie pour aider mon père. C’est d’ailleurs avec lui que je me suis d’abord associé en 1983. Il avait créé sa première boutique à Laguiole en 1965. La moitié de notre activité repose sur la charcuterie. En 1992, on a voulu produire plus, tout en gardant nos grands principes de qualité et on a construit cet atelier où l’on découpe la viande, on fait les salaisons, on cuit…etc. dans les meilleures conditions. »

Auxquelles l’on pourrait ajouter la qualité de l’air de l’Aubrac qui, à 1 000 mètres d’altitude, n’est sans doute pas sans influence sur les conditions de séchage. Côté cochon, la maison affiche plus de 50 ans d’expérience. Ici, oubliez les sales images de maltraitance des animaux, Lucien n’a longtemps travaillé qu’en exclusivité avec un seul éleveur, aujourd’hui deux, veille aux grains qu’avalent les bêtes, et vérifie que l’animal ne passe pas sa vie couché dans deux mètres carrés. Le tout vous donne une viande riche en Oméga 3 qui vient désormais de rejoindre la filière Bleu Blanc Cœur.

vaches Aubrac

Mais c’est côté viande de bœuf pure race Aubrac que Lucien s’emporte gentiment, comme transcendé par une histoire qui a pris des dimensions qui l’étonnent encore.

« J’ai commencé à comprendre vraiment comment déterminer la qualité des bêtes avec mon père. Il m’emmenait toujours sur les foirails et je me souviens qu’il demandait toujours aux éleveurs : « qu’est-ce qu’elle a mangé celle-là ? ». Nous étions plusieurs, dont André Valadier, fondateur et Président de Jeune Montagne à se dire que nous avions quand même des spécificités en Aubrac. À commencer par la transhumance. Chaque année, le dernier week-end de mai, vaches et veaux transhument vers les hauts plateaux d’Aubrac à plus de 800 mètres d’altitude et passent cinq mois à brouter une flore parmi les plus riches en Europe. Certains avaient bien vu la chose avant nous, en créant à Marvejols en Lozère le label « Fleur d’Aubrac », joli nom et joli coup de communication pour des bêtes issues d’une mère Aubrac et d’un père Charolais. Moralité, on garde les femelles et les veaux partent pour la plupart en Italie, gros importateur. Nous on voulait de la race pure. Après la transhumance, nous avons une autre exigence, les bêtes doivent être nées et élevées sur la même exploitation et enfin, elles ne consomment jamais d’ensilage (fourrage conservé par voie humide  -NDLR), ni de maïs. »

Lucien nous raconte toutes les batailles technico-juridico-économico-administratives pour créer ce label de Boeuf Fermier d’Aubrac, certaines épiques, d’autres tellement françaises !

Sébastien Bras au marché de Rodez / juillet 2016
Sébastien Bras au marché de Rodez / juillet 2016

Car en 1999, bingo, le Label Rouge tombe. Aujourd’hui, 500 éleveurs produisent 1800 à 2000 bœufs fermiers d’Aubrac et dans l’assiette c’est pure merveille. Lucien Conquet n’est pas peu fier de tout ce parcours, parfois chaotique qui « a tiré les éleveurs vers le haut. » Il mentionne avec un grand sourire l’un de ses harceleurs exigeants, un certain Michel Bras « qui a beaucoup fait pour la notoriété du label et maintenant Sébastien. »  Que l’on remercie pour cette rencontre en altitude au plus haut des exigences de qualité.

Maison Conquet 16 place de la Patte d’oie à Laguiole.
Et si vous n’avez pas la chance d’aller en Aveyron, vous pouvez venir à Paris
du 7 au 9 octobre Cour Saint Emilion au Marché des pays de l’Aveyron ,
ou les 26 et 27 novembre au Salon des Coqs d’or,
et du 2 au 5 décembre au Salon Saveurs des plaisirs gourmands.

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