Portrait Artisan

La crépinette, star des fêtes girondines

20.11.15

Parées de truffes, assaisonnées au cognac, les crépinettes accompagnent les mets les plus prisés des tablées de fin d’année. Une bourriche accompagnée d’une saucisse ? Hérésie à Paris mais pas ici. Que l’huître s’encanaille de cochonnaille et les polices du goût jasent. L’iode « trivialisé » en serait littéralement « détroussé ». À moins que justement déniaisé… Bref, à Noël, cette petite saucisse au profil arrondi s’invite sur les tablées du Sud-Ouest. Folklore ou coutume locale, opportunité du calendrier ? L’origine n’est pas tranchée. Reste que la crépinette tient la vedette l’hiver. Encore faut-il savoir la faire.

Un produit traditionnel
Située au centre de Pessac depuis 1957, la charcuterie Laguerre est réputée maître en la matière. L’antre du cochon affiche toujours une mine d’antan. Jambons suspendus, saucissons, pâtés et autres boudins se disputent les lieux. Tenue depuis dix-sept ans par le fils, Jean-Marie, scientifique de formation, devenu nostalgique du cochon et de l’ambiance maison. Il a le souci de la qualité, des prix adaptés et des recettes inchangées. « Si on n’a pas de bons produits au départ, on ne peut pas en avoir à l’arrivée. La matière première, c’est le nerf de la guerre », souligne d’emblée le charcutier. On se presse de loin dans le magasin. Pour son jambon, ses saucissons, ses plats maison et ses crépinettes. « On monte en puissance progressivement dès les premiers froids, après les merguez et les saucisses de l’été. Ca reste un produit traditionnel des fêtes ».

Dans les cuisines, le cochon attend. Arrivée au matin, la bête est découpée, désossée, dénervée, découennée, cuisinée et assaisonnée à la main par les employés dont certains affichent quarante ans de maison. « Comme au rugby, un homme tout seul ne peut rien faire. C’est la même chose en charcuterie », lance le patron. Le morceau préalablement découpé dans la matière noble du porc est passé au hachoir puis rebrassé à la main. Il est ensuite assaisonné avec du sel, des truffes, des épices – secrètes, touche maison oblige – et du cognac. « La seule chose qui a changé depuis quarante ans, c’est le dosage en sel. » Même procédé que pour une simple saucisse sauf, qu’outre la forme, la crépinette se pare d’autres lamelles : des truffes du Périgord, fraîchement « mandolées » à la main. Ainsi marquées, les crépinettes n’ont plus qu’à revêtir ce qui fait leur nom, la crépine ou péritoine, cette membrane qui contient les intestins. La « chose » blanche et veinée, semblable à une toile d’araignée, arrive des abattoirs, nettoyée, désinfectée, puis dégorgée dans l’eau avec du sel et du vinaigre. La main doit alors se faire habile pour rouler sans risquer de déchirer la fine dentelle. Un « travail fastidieux et répétitif » auquel se livre depuis des décennies l’ex-apprenti. De la haute couture presque. « De A à Z, il faut que ce soit bien fait », commente sobrement le patron.

L’origine en question
Brodée, prête à déguster, cette saveur du terroir aime alors prendre le large. La crépinette est à l’huître ce que la perle est au pêcheur, une rencontre improbable et incroyablement savoureuse. Mais pas que. « Je n’aime pas les huîtres alors je les sers plutôt avec du foie gras, du boudin blanc…  C’est aussi suffisamment moelleux et parfumé pour être servi en plat », confesse le charcutier. « On mange ça comme une viande, c’est juteux et les enfants adorent », acquiesce Madame, Tania Laguerre, qui, native de Paris, ne connaissait pas le mets avant de « rencontrer un gentil charcutier ». Version plus orthodoxe en boutique dont la clientèle célèbre plutôt le triptyque de dégustation classique : « On mange l’huître, puis on prend une petite bouchée de crépinette chaude et on finit sur une petite goulée d’entre-deux-mers ». De Marennes d’Oléron, de Bretagne ou du bassin d’Arcachon, tout dépend des appétences ou du chauvinisme de chacun. Pareil pour le vin. Reste la question des origines. « Si on les sert avec les huîtres par ici, c’est sans doute qu’en hiver huître et truffe sont à maturité. Et c’est aussi à cette saison qu’on tuait le cochon. Pourquoi ne pas alors utiliser de la crépine pour tenir le tout à la cuisson et pouvoir les manger à la main comme les huîtres. » Simple concours de circonstance alors ? Laguerre ne tranche pas.

Marie Morizot, article paru dans Le mag – 20 décembre 2014.
Sud Ouest et Le Mag sont partenaires de l’application Adresses Gourmandes.

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