Portrait Artisan

Izzara retrouve ses couleurs

02.02.16

Cent quatre ans après sa création, Izarra repart à la conquête des consommateurs. Propriété du groupe Rémy-Cointreau, la marque vient de réimplanter son siège social à Bayonne.

C’est l’histoire d’une renaissance et d’une rencontre. Celle d’une vieille dame de 108 ans et d’un jeune cadre de 31 ans du groupe Rémy-Cointreau. La première semblait promise à un déclin inexorable, tandis que l’avenir du second s’annonçait radieux au marketing international de la société. Vincent Clabé-Navarre s’est ainsi pris de passion pour la marque Izarra, persuadé qu’elle pouvait encore se faire une jolie place sur les comptoirs.

Quelques années auparavant, Vincent Clabé-Navarre connaissait à peine l’existence de la liqueur. « Izarra a été racheté en 1981 par Cointreau puis est tombée dans le giron de Rémy-Cointreau lorsque les deux groupes ont fusionné. Mais, pas assez vendue, la marque a ensuite été écartée des réseaux de distribution. » explique-t-il.

Mise en quelque sorte sur une voie de garage, la liqueur basque ne rentrait plus dans la stratégie commerciale de Rémy-Cointreau. « Lorsque nous avions des réunions de cadres, il y avait une blague qui circulait entre nous. On se disait : « si tes chiffres ne sont pas bons », tu finiras à Izarra. Et puis à force de le dire, je me suis intéressé à cette marque. Je me suis posé la question de savoir pourquoi elle était toujours chez nous. Et j’ai entamé des recherches personnelles… ».

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D’étonnantes découvertes


En remontant le temps, Vincent Clabé-Navarre fait d’étonnantes découvertes. « J’ai fouillé dans la documentation de Rémy-Cointreau où il n’y avait d’ailleurs pas grand-chose. Puis, j’ai consulté les archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, les journaux etc. J’ai ainsi reconstitué l’histoire de la marque, et plus j’avançais, plus je m’y intéressais. Ce que j’apprenais agissait sur moi comme un aimant. »

Le professionnel du marketing éprouve alors une admiration posthume envers Joseph Grattau, créateur en 1904 de la liqueur « fine d’Hendaye » avant de lui donner le nom d’Izarra, « Étoile » en basque. Il constate en effet que ce pharmacien de Bayonne qui avait su mettre au point ce parfum très poivré et ce gout doux amer si particulier, avait compris bien avant les autres l’importance de la publicité : affichage omniprésent, ballons dans le ciel de Biarritz et surtout une véritable identité régionale. « J’ai voulu comprendre l’essor extraordinaire d’Izarra. Entre le milieu des années trente et le début des années soixante-dix, les bouteilles jaune et verte ont véritablement conquis le marché international, en s’appuyant notamment comme en Amérique du Sud ou aux États-Unis sur les communautés basques. J’ai également mis la main sur de véritables pépites : Pierre Gagnaire utilisait l’Izarra vert dans quelques-unes de ses desserts, et Hemingway évoque la marque dans son premier roman, « Le soleil se lève aussi ».

Pendant ces années-là, la distillerie de Bayonne tourne à plein régime : chaque semaine, des milliers de bouteilles sortent des hangars (1,2 million de cols par an dans les années soixante). L’entreprise est alors rachetée par la société Cointreau. Mais déjà, le règne des liqueurs sur la consommation d’alcool des ménages s’achève et, en 1998, les alambics sont transférés à Angers où ils ne fonctionnent plus que quelques jours par an.

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Revenir au pays basque


À la fin de l’année 2010, Vincent Clabé-Navarre propose alors aux dirigeants du groupe de racheter la marque. « Ils ont été à la fois surpris et intéressés par ma démarche lorsque je leur ai présenté mon projet et mes objectifs. Ils ont refusé de se séparer d’Izarra mais, en revanche, m’ont donné le feu vert pour la relancer et accordé leur soutien. »

« La première décision à prendre était de se réimplanter au Pays basque, de revenir à la maison en quelque sorte. Il fallait trouver un local, renouer des partenariats, développer un réseau. Il y avait beaucoup à faire, mais il serait faux de dire que l’on partait de zéro. La marque Izarra était loin d’être éteinte même si ses ventes étaient presque confidentielles. Son taux de notoriété était très fort. Un sondage à la fin des années 90 avait révélé que 88 % des habitants du Sud-Ouest et 44 % des Français connaissaient la liqueur basque ».

Le 1er mars 2011, le siège d’Izarra est officiellement transféré à Bayonne. « Une des bases de notre réussite passe impérativement par un retour aux origines. Le retour à Bayonne et cet ancrage régional vont nous permettre de renouer avec un concept. Notre zone de relance est d’abord le Sud-Ouest » explique Vincent Clabé-Navarre dans le local que loue la société sur les quais des Allées marines. Sur les murs de cette pièce, des affiches dessinées par Zulla rappellent aux visiteurs qu’Izarra fut longtemps un des symboles du Pays basque. « Le nom était indissociable de la région » souligne Vincent Clabé-Navarre qui compte beaucoup sur les cocktails pour développer la marque. « Izarra sera toujours bu par certains en tant que digestif mais c’est en allant sur le marché des cocktails que l’on pourra séduire le consommateur. ».

Alors, comme l’avait fait en 1904 Joseph Grattau, Vincent Clabé-Navarre et son équipe de commerciaux sont allés à la rencontre des professionnels. Bars, restaurants, caves, il a organisé des dégustations autour de « l’Izarra Limon ». « Il nous a fallu plusieurs mois pour trouver ce produit. Nous l’avons testé auprès de plusieurs centaines de personnes avant de le proposer. C’est un cocktail qui peut être aussi bien bu à l’apéritif qu’en soirée. ».

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Une véritable cote d’amour


Le jeune dirigeant avoue avoir été surpris par l’accueil chaleureux qu’il a reçu. « Izarra bénéficie toujours d’une véritable cote d’amour. Certains établissements ont plus que joué le jeu en créant des cocktails avec l’Izarra, comme l’Hôtel du Palais, Vent d’ouest ou encore le Blue cargo à Biarritz ». Présent dans les bars et chez les cavistes, Izarra renoue aussi avec ses vieilles traditions. Partenaire de l’éco-musée basque de Saint-Jean-de-Luz où l’on peut voir notamment une superbe collection d’affiches, Izarra est partenaire de championnats de Cesta punta mais également de matches de rugby du Biarritz Olympique et de l’Aviron Bayonnais. S’il est disert sur l’activité de la marque, Vincent Clabé-Navarre est muet sur la composition de la fameuse liqueur, dont on sait seulement qu’il faut 16 plantes et épices pour l’Izarra vert et 13 pour l’Izarra jaune. « Le reste st comme un secret d’état », dit en souriant le jeune homme.

Fabien Pont, Sud Ouest Gourmand, N°12, mars 2012.
Sud Ouest Gourmand est partenaire de l’application Adresses Gourmandes.

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